ET CONCRÈTEMENT

Vers une plus grande digitalisation du secteur du logement social ? 

 

 

Accélératrice de tendances, la crise du Covid-19 a été l’occasion pour le secteur du logement social d’expérimenter de nouvelles solutions digitales. La crise sanitaire aura-t-elle ainsi levé les freins à la transition numérique du logement social ? 

 

Selon une étude de l’Union sociale pour l’habitat et la Caisse des dépôts publiée en 2018, 63 % des bailleurs sociaux n’avaient pas encore initié une stratégie digitale au moment de la publication. Les locatairespour leur part« ont du mal à définir les contours des bâtiments connectés », déclare Claire Brossaud, chercheure en sciences sociales dans une interview pour la Smart Buildings Alliance for Smart Cities. 

 

Numérique : le logement social dit non à la gadgetisation 

 Des processus plus rapides et transparents, de nombreux déplacements potentiellement évités, des économies de ressources, une gestion optimisée du bâti grâce à des bâtiments connectés, des voisin·es reliée·es via des plateformes les atouts de la digitalisation du secteur du logement social ne sont plus à prouver. Pourtant, les freins restent encore importants pour dématérialiser à tout va ! Et pour cause, comment remplir une demande de logement social lorsque l’on ne maîtrise pas les bases de l’informatique ? Pour rappel, l’illectronisme touche 13 millions de Français·es, tous âges confondus 

 Au-delà du défi de l’accessibilité numérique se pose la question du lien social, qui se trouve être dans l’ADN du modèle du logement social français. « Les locataires les plus âgé·es redoutent que le numérique affaiblisse les liens sociaux avec leur entourage », explique Claire Brossaud, une chercheuse en sciences sociales qui s’intéresse à l’appropriation des innovations numériques par les locataires, notamment dans les logements sociaux, et à l’évolution des usages. « Là où ça se passe le mieux dans les immeubles, c’est là où il y a un gardien, nous sommes absolument contre la gadgetisation. La commande vocale, ça n’a aucun intérêt. Mettre des gadgets qui vont augmenter les charges des locataires et qui par ailleurs sont des freins au lien humain, nous n’y sommes pas favorables. Ce qui ressort de cette période c’est que ce qui permet aux gens de tenir, c’est pas d’avoir une tablette, c’est des gens à qui parler, de vrais gens », plaide Marianne Louis, la directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat. 

 

Oui à un essor numérique mais pas sans présence physique 

Mais face à la crise sanitaire, les bailleurs ont  se lancer malgré tout dans la digitalisation de certains de leurs services afin de maintenir le lien avec leurs locataires pendant le confinement. Mais qu’en est-il des affaires courantes, des demandes de logements et d’informations, des visites d’appartements ? Chez ICF Habitat, on a lancé le journal en format numérique pour ne pas perdre le lien avec les locataires. Le bailleur Érigère a, lui, mis en place une signature électronique des baux. De son côté, 3F a monté des commissions d’attribution et des réunions publiques digitales et n’a pas hésité longtemps avant de mettre ses équipes en télétravail, qui l’expérimentaient déjà en partie. Des adaptations indispensables au maintien du service dû aux locataires et aux demandeur·euses de logement. Ces pratiques ne devraient pas pour autant disparaitre dans le fameux monde d’après, qui verra très certainement triompher le règne du « phygital ». 

 

 Entrer par la capacitation plutôt que par la seule formation aux outils  

 

Parce que le numérique peut renforcer les inégalités, et la crise l’a encore révélé, il est urgent de penser une transformation numérique inclusive du logement social. Un sujet qui était sur la table lors d’un webinaire de l’USH intitulé « L’Habitat après le Covid-19 ? Des imaginaires aux tendances ». Ce qu’il faut en retenir ? Les bailleurs ont tout intérêt à accompagner le déploiement des solutions numériques, notamment à destination des personnes âgées, comme par exemple : les technologies de maintien à domicile, la e-santé… Parmi les préconisations soulevées  : « une présence physique à maintenir dans l’accompagnement social face à un 100% dématérialisé et à un « libre-service » numérique dont on connaît les effets en termes d’amplification des inégalités », « recenser les intervenants de la médiation numérique à l’échelle d’un quartier, les qualifier, idéalement les réunir pour permettre une coordination les rendant visibles pour les habitants », ou encore « privilégier les coopérations avec des acteurs qui soient prêts à entrer par la capacitation plutôt que par la seule formation aux outils ». Une belle feuille de route pour aller vers une plus grande digitalisation du secteur du logement social tout en se souciant de l’intérêt général, cher aux bailleurs français. 

 

 

 

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