Transformer les bureaux en logements, plus que jamais une priorité
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Suite à la massification du télétravail imposée par la crise du Covid-19, la valeur des loyers des bureaux tend à baisser par rapport à celle des logements. Dans ce contexte, les transformations de bureaux en logements ont plus que jamais le vent en poupe. Une impulsion qui comporte des défis architecturaux, techniques et réglementaires majeurs mais aussi une promesse, celle d’offrir des logements plus durables. De quoi accélérer sur ce (vieux) chantier ?
Transformer les bureaux vacants en logements, une idée neuve ? Les premières dispositions législatives qui témoignent d’un certain volontarisme en la matière remontent au milieu des années 90. Presque 30 ans plus tard, ces réversions bénéficient d’un nouveau regain d’intérêt. Pour preuve, il y a deux ans, une charte d’engagement a été signée entre 10 acteurs de l’immobilier et le ministère de la Cohésion des territoires avec un objectif ambitieux : transformer en Ile-de-France 500 000 mètres carrés de bureaux en logements d’ici 2022. Le signe d’une nouvelle époque ?
Un parc de bureaux obsolète
Transformer les bureaux vacants en logements ? « Sur le papier, c’est une évidence » mais « dans la réalité, ça reste une exception », s’est exprimé, dans une interview à Libération, Damien Robert, chargé d’une mission sur le sujet par l’ancien ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie. Dans ce contexte, pourquoi et comment développer cette pratique ? La volonté de transformer les bureaux en logements répond à deux enjeux. Le premier s’attarde sur une nouvelle réalité de l’emploi. Les bureaux construits, par exemple dans les années 70, ne répondent plus vraiment aux attentes actuelles des travailleurs et des travailleuses. Le télétravail, qui se démocratisait lentement, semble connaître un développement massif et inexorable suite à la crise sanitaire actuelle. Les nouvelles organisations des entreprises ne correspondent plus aux usages. Soulignons qu’en 2018, l’Ile-de-France comptait déjà 2,9 millions de mètres carrés de bureaux vacants, dont 30 % l’étaient depuis plus de 4 ans. Même si certains immeubles restent encore partiellement occupés, le potentiel reste conséquent. Ainsi, pour lutter contre la pénurie de logements dans un contexte de rareté du foncier, second enjeu majeur, le gouvernement souhaite aller au-delà de la construction neuve en optimisant le bâti existant.
Optimiser le bâti existant
Ce parc vacant constitue ainsi un important vivier d’espaces à transformer en logements. Une mutation qui s’s’avère également vertueuse d’un point de vue environnemental.
Demain, on consommera moins de ressources pour que les bâtiments s’adaptent à de nouveaux usages
Transformer les bureaux en logements, c’est éviter de construire mais aussi de déconstruire. Une démarche qui s’inscrit pleinement dans la lutte contre le réchauffement climatique et la prochaine RE 2020. « Elle évite en effet la production de déchets : le bâtiment en génère 46 millions de tonnes chaque année en France, essentiellement issues des démolitions », rapporte Les Échos. Pas étonnant que la Convention citoyenne pour le climat souhaite développer ces transformations à l’avenir. Pour rappel, son ambition est de lutter contre l’artificialisation des sols de manière beaucoup plus efficace pour ralentir le rythme de consommation d’hectares de pleine terre d’ici à 2040.
Le bâtiment génère 46 millions de tonnes de déchets chaque année en France, essentiellement issues des démolitions
Un appel à manifestation d’intérêt avec Action Logement
Optimiser le bâti existant pour y loger des familles en logement social ou intermédiaire, plus facile à dire qu’à faire ? Entre le « manque de transparence sur les chiffres réels vacants », pointé par Jean-Yves Mano, président de l’association de consommateurs CLCV et « la localisation des sites qui ne se prêtent pas tous à la conversion », regrettée par Romain Biessy, président du Conseil social de l’Union sociale pour l’habitat, pas simple de convaincre le secteur de se lancer dans une telle entreprise. Qu’à cela ne tienne, dans le cadre de son Plan d’Investissement Volontaire, Action Logement, a lancé le 19 novembre 2019, un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) destiné à identifier des locaux d’activité vacants en zones tendues pour les transformer en logements sociaux, intermédiaires ou libres. Un dispositif doté de 1,2 milliard d’euros sur 3 ans. L’AMI a reçu une cinquantaine de dossiers et Action Logement a créé la « Foncière transformation de locaux vacants en logements » chargée d’acquérir du bâti non utilisé. Parmi les priorités du groupe ? La transformation de bureaux en logements sociaux dans des zones tendues. En plus de l’Ile-de-France, les agglomérations lilloises, lyonnaises et marseillaises sont ciblées.
Comment remettre de l’humain dans une architecture préfabriquée de bureaux ?
Une opération 3F primée et des espoirs
Afin de promouvoir la pratique, la Maison de l’architecture d’Île-de-France et Paris Ile-de-France Capitale Economique ont lancé en 2019 la première édition du Prix de la transformation de bureaux en logements. 3F et l’agence d’architecture Moatti-Rivière ont été lauréats du premier prix pour un programme immobilier réalisé à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne). Comment remettre de l’humain dans une architecture préfabriquée de bureaux ? 3F et l’agence Moatti-Rivière ont relevé le défi avec la livraison en 2016 de 90 logements sociaux. Une prouesse saluée au regard des contraintes techniques et environnementales de ce chantier exceptionnel qui aura duré 17 mois.
Des retours d’expériences, un Prix pour promouvoir la démarche, un bilan carbone indéniable avec 50 % de gaz à effet de serre économisés par rapport à une construction neuve, et de nouveaux dispositifs dans la loi Elan (quota de parkings, règles d’accessibilité et obligations relatives au logement social assouplis) : toutes ces avancées pourront-elles normaliser ces transformations ?