Sauvegarder ensemble le patrimoine vivant : le défi du Centre régional des ressources génétiques
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Directeur du Centre régional des ressources génétiques (CRRG) des Hauts-de-France et directeur général d’Espaces naturels régionaux (ENRx), Michel Marchyllie travaille à la conservation et à la valorisation des espèces animales domestiques et végétales cultivées.
Pourriez-vous nous expliquer vos missions et votre rôle dans la sauvegarde des écosystèmes ?

Michel Marchyllie : Notre activité au sein du CRRG se concentre autour de la conservation et la valorisation des patrimoines des espèces végétales cultivées et des races animales domestiques. La région Hauts-de-France est riche de 28 races animales chez 600 à 700 éleveur·euses, de 1 700 variétés d’arbres fruitiers, 250 variétés de légumes et 70 de céréales. Nous sommes spécialisé·es dans la recherche, la conservation, l’évaluation et la mise en valeur de tout ce patrimoine auprès des habitant·es de la région et avec des professionnel·les agricoles : éleveur·euses ou encore pépiniéristes.
En attendant le projet de construction de logements sociaux, 3F a confié à Espaces naturels régionaux (ENRx) la gestion de la pâture. Aujourd’hui, trois bœufs se partagent les trois hectares de verdure pour le plus grand bonheur des riverain·es.
Vous vous occupez du projet de la pâture Masure, pouvez-vous nous en dire plus ?
La pâture Masure est un pâturage situé à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord. Cet espace naturel a pour particularité d’être sur un terrain acheté par 3F Notre Logis. En attendant le projet de construction de logements sociaux, 3F a confié à Espaces naturels régionaux (ENRx) la gestion de la pâture. Aujourd’hui, trois bœufs se partagent les trois hectares de verdure pour le plus grand bonheur des riverain·es.
Comment cette initiative a-t-elle vu le jour ?
Aujourd’hui, nous faisons face à une augmentation continue de la pression foncière. Les constructions en milieu rural ou périurbain réduisent de fait les hectares de parcelles en prairies disponibles pour l’élevage. Sur ces parcelles et par convention, nous y proposons des bovins de races locales propriétés d’éleveur·euses, comme des vaches Rouges flamandes, ainsi que des moutons boulonnais. Ces deux espèces locales sont à très faible effectif, en voie de disparition. Les parcelles profitent ainsi aux éleveur·euses qui les occupent. C’est un soutien à l’élevage de races locales et aux filières de vente en circuit court associées.
Qu’en pensent les riverain·es ?
Nous avons de bons retours ! Les riverain·es se réjouissent de voir de la vie sur la parcelle. C’est mieux de bénéficier un espace vivant et pâturé qu’il friche en attente d’être construite. Ils sont vigilant·es et veillent au grain, comme aux vaches ! Toutefois, il faut être clair avec eux dès le début en ce qui concerne l’aspect éphémère et la finalité du projet.
Ces initiatives poussent à s’interroger sur les espaces, des pâtures et leur gestion. Cela permet également de réduire les coûts d’entretien de ces hectares et d’empêcher les dépôts sauvages.
Quels sont les bénéfices à travailler avec des partenaires extérieurs ?
Le point positif avec les acteurs de l’immobilier par exemple, est que si l’occupation du terrain reste éphémère, les bailleurs possèderont toujours des surfaces exploitables dans la région. Sur les espaces publics des collectivités, ou sur les espaces privés d’entreprises, il y a dix ans, nous intervenions sur 150 hectares en éco-pâturages. Aujourd’hui, nous atteignons plus de 900 hectares.
Il y a beaucoup d’intérêt et de besoin dans la sauvegarde des races animales par de l’écopâturage, même si c’est sur quelques saisons en attendant un avenir différent de ces terrains. Ces initiatives poussent à s’interroger sur les espaces, des pâtures et leur gestion. Cela permet également de réduire les coûts d’entretien de ces hectares et d’empêcher les dépôts sauvages. Même s’il est nécessaire d’investir en amont (clôtures, eau…), les bénéfices sur la nature, la faune et la flore, les éleveur·euses (diminution des coûts des parcelles, ventes directes) sont conséquents.
Comment ce partenariat fonctionne-t-il concrètement ?
Nous échangeons avec le propriétaire, le bailleul, les partenaires selon le projet de pâturage à venir et l’intérêt pour chacun·e : le bailleul et l’éleveur notamment. En tant que CRRG, notre rôle consiste à proposer et à mettre en place un cahier des charges partagé entre le propriétaire du terrain, l’éleveur·euse et nous. Nous sommes une structure publique qui agit dans l’intérêt général et un des critères primordiaux est le bien-être animal. Nous sommes force de force de conseil entre 3F Notre Logis et l’éleveur pour que le projet aboutisse.
Cette action d’écopâturage avec nos races locales (Rouge flamande, Bleue du Nord, mouton Boulonnais ou encore avec nos races équines de Trait) se développe sur tous les Hauts-de-France. D’ailleurs, la Région a lancé un appel à projet pour accompagner celles et ceux qui souhaitent créer des éco-pâturages sur le territoire.
Quels sont les prochains plans d’actions ?
En mai, nous avons, avec Nord Nature Chico-Mendès et Adalia 2.0 lancé une plateforme, appelée « PATURE » pour que chacun·e fasse remonter des projets : les éleveur·euses, les gestionnaires et propriétaires de foncier.
Actuellement, nous nous engageons avec 3F Notre Logis dans un partenariat enrichi intégrant le patrimoine fruitier de variétés régionales, la formation. Et pourquoi pas mener, comme nous l’avons fait à Amiens, l’implantation d’arbres fruitiers de variétés locales où les locataires pourraient bénéficier de la production des fruits, ou encore l’accompagnement de projets d’aménagement intégrant des potagers avec des variétés locales de légumes.