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Quand la Convention citoyenne pour le climat se penche sur le logement…

 

Convention citoyenne pour le climat

En octobre 2019, 150 citoyen·nes français·es tiré·es au sort se réunissaient pour la première fois pour dessiner une nouvelle société plus respectueuse de l’environnement. L’enjeu ? Réduire d’au moins 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 10 ans, dans un esprit de justice sociale. Et le logement avait particulièrement inspiré les membres de la Convention citoyenne pour le climat…

 

300 000, c’est le nombre de signatures recueillies, il y a quelques jours, par la pétition « Sauvons La Convention citoyenne pour le climat » lancée par Cyril Dion. « Le but aujourd’hui, avec cette pétition, c’est de mettre une pression maximum », a expliqué le réalisateur et garant de la Convention citoyenne pour le climat, invité de France Inter le 1er  décembre dernier. L’enjeu ? Inciter l’exécutif à tenir ses engagements et influencer les prochains arbitrages dans le cadre du projet de loi qui doit reprendre certaines des propositions de la Convention. Mais au fait, que demande la Convention en matière de logement ? Radar fait le point.

 

La rénovation thermique, un enjeu de gouvernance ?

Sans surprise, c’est bien la facture énergétique de nos logements qui est visée. Faut-il rappeler que la précarité énergétique touche 5 millions de ménages en France. Si la problématique est connue et portée depuis des années par de nombreuses associations, force est de constater qu’il n’y a pas eu de changements de paradigme en la matière. Les rénovations thermiques tardent encore et le chantier est tout sauf simple. Faut-il y voir une frilosité des pouvoirs publics, un manque de volontarisme ? « On a eu un débat dans le cadre de la loi énergie 2019 où il y eu un compromis assez tiède, mais qui va dans le bon sens. Il s’agit de l’obligation de rénover à partir de 2026 mais sans que l’on connaisse les sanctions si jamais le bailleur ne rénove pas sa passoire énergétique. Le gouvernement disait qu’il ne savait pas si la société était prête à accepter ce genre d’obligation et donc on a souhaité s’en remettre à la Convention citoyenne pour le climat », raconte Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre qui a été auditionné par les membres de la Convention.

 

Vers des rénovations énergétiques obligatoires ?

Mais alors, qu’ont proposé les citoyen·nes pour avancer sur ce lourd et très onéreux dossier ? « Un véritable plan de rénovation thermique permettrait de gagner en sobriété énergétique et de faire baisser les émissions, tout en créant des emplois et en apportant des bénéfices pour la santé » dit la proposition. Pour aller plus loin que la stratégie bas carbone de la France – qui prévoit la rénovation de 500 000 logements par an -, la Convention citoyenne pour le climat évoque la nécessité de « mettre en œuvre de façon beaucoup plus massive des rénovations globales, effectuées en une fois et bien plus efficaces en économies d’énergies ». Et de souhaiter rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040 et d’ici à 2030 pour les passoires thermiques. Au total, la Convention citoyenne vise 20 millions de logements, dont 5 millions de passoires énergétiques.

 

« Un véritable plan de rénovation thermique permettrait de gagner en sobriété énergétique et de faire baisser les émissions, tout en créant des emplois et en apportant des bénéfices pour la santé », la Convention citoyenne pour le climat

Quel rôle pour les bailleurs sociaux ?

« La plupart des experts qui se penchent sur ces questions-là sont plutôt de notre avis. Et les citoyens, qui sont comme tout le monde avec des riches, des pauvres, des locataires, des propriétaires en ont tiré les mêmes conclusions que nous. S’il n’y a pas d’obligation, on sait bien que les bailleurs privés ne vont pas faire ces rénovations au niveau attendu. Tout simplement parce que ce sont eux qui la payent mais ce ne sont pas eux qui en profitent, c’est leur locataire. C’est cette difficulté structurelle qui fait qu‘il y a peu de rénovations dans le parc locatif privé et que c’est le parent pauvre de la rénovation énergétique aujourd’hui. Il faut donc une obligation de rénover sous peine de ne plus pouvoir mettre le logement en location », justifie Manuel Domergue de la Fondation Abbé Pierre.

Que pourrait être le rôle des bailleurs sociaux dans ce vaste chantier ? « La rénovation, c’est un marché récent. C’est important pour ces entreprises d’avoir des gros contrats avec les bailleurs sociaux afin de rénover des centaines de logements d’un seul coup et de le faire bien. Cela permet de les roder aux nouvelles techniques, de former leurs artisans et ensuite, cela pourra profiter à un marché plus mature et aux propriétaires qui doivent rénover leur logement », explique le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.

 

« La rénovation, c’est un marché récent. C’est important pour ces entreprises d’avoir des gros contrats avec les bailleurs sociaux afin de rénover des centaines de logements d’un seul coup et de le faire bien », Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre

 

Sortir du mal-logement et lutter contre l’artificialisation des sols

Parmi les autres propositions en matière de logement, figure la lutte contre l’artificialisation des sols. La Convention préconise de lutter plus efficacement contre l’étalement urbain. Les membres souhaitent limiter le nombre d’hectares artificialisables par commune au quart de ce qui a été artificialisé depuis 2000 mais aussi pénaliser la vacance des logements et des bureaux.

Une détermination qui interroge sur sa nécessaire conciliation avec un autre enjeu tout aussi important, celui de répondre au mal logement. « Aujourd’hui, l’artificialisation des sols progresse d’environ 8,5 % par an, soit une augmentation équivalente à un département français moyen en moins de 10 ans entre 2006 et 2015. Si on observe un léger ralentissement à partir de 2009-2010, le rythme d’artificialisation au profit du béton doit selon nous cesser tant qu’il existe des possibilités d’urbaniser dans l’enveloppe urbaine existante. En effet, une agglomération et un bâti plus compacts permettent d’éviter les émissions liées au changement d’usage des sols (carbone du sol renvoyé à l’atmosphère), mais aussi de conserver le potentiel des terres pour stocker le carbone, produire notre alimentation et les matériaux biosourcés nécessaires à la construction et la rénovation », explique la Convention.

 

« La Convention citoyenne pour le climat est une réponse à une double urgence : démocratique et climatique »

 

500 millions d’euros dédiés aux logements sociaux

« La Convention citoyenne pour le climat est une réponse à une double urgence : démocratique et climatique. Le mouvement des Gilets jaunes, les marches pour le climat, l’Affaire du siècle sont autant de témoignages de la nécessité de traiter ces deux crises dans un même temps : climat et démocratie se sauveront ensemble », indique un dossier de presse de la Convention citoyenne.

Ainsi, cet exercice démocratique permettra-t-il d’accélérer sur ces dossiers ? Difficile de répondre à l’heure actuelle mais déjà, il semble que ces questions ne peuvent être désormais posées sans y apporter le regard des citoyen·nes : « Nous étions très partisans de cette convention dès le début. On pensait que ça pouvait un peu régénérer la décision et les processus de délibération. Mis en situation et face à des urgences, les citoyens savent prendre des décisions », conclut Manuel Domergue.

Au menu du plan de relance consacré au logement présenté en septembre dernier par la ministre Emmanuelle Wargon ? 500 millions d’euros seront consacrés à la rénovation thermique et aux réhabilitations lourdes dans le parc social. Si le Mouvement HLM a noté avec satisfaction cette avancée, il attend désormais des mesures de soutien à la production de logements sociaux neufs. Construire des logements (très) sociaux et éco-responsables, la condition sine qua non d’une relance durable ?

 

 

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