Paul Jarquin, le promoteur qui pense bois pour penser durable
Après avoir travaillé pendant sept ans dans la gestion de fonds d’investissements aux Etats-Unis, Paul Jarquin est revenu en France « pour faire les choses autrement ». Précurseur dans le domaine, ce promoteur bois développe une nouvelle conception du construire la ville avec la création de son entreprise REI. Une vision urbaine qui se veut à la fois résiliente et durable. Rencontre avec ce self-made man montreuillois, créateur d’une nouvelle définition urbaine.
Paul Jarquin, c’est un jeune promoteur qui pourrait de prime abord s’apparenter à n’importe quel promoteur ou n’importe quelle promotrice. Pourtant, il apporte une plus-value à la ville, car sa spécialité à lui, c’est le bois ! Sa source d’inspiration ? Le terreau familial ! « Je suis issu d’une famille aux valeurs éco-militantes. Mon oncle est initiateur et créateur des premières coopératives bios dans le sud et ma mère a toujours été très impliquée dans le tissu associatif montreuillois. » S’engager pour l’environnement à travers son métier était donc une évidence. « J’avais 20-21 ans quand je suis arrivé aux Etats-Unis », et puis « j’ai décidé de revenir en France après sept années pour y faire les choses autrement ». La plus-value des Etats-Unis pour Paul Jarquin, c’était le goût du risque et le courage d’entreprendre. Il évoque un système français frileux. « Là-bas, on fait, on s’excuse, on ajuste et ça fonctionne ! ». Armé de son expérience et de son ambition, le jeune homme rentre alors en France. Il écume les sources diverses qui lui permettraient de penser la ville autrement : comment peut-on construire de manière responsable ? Quelle forme peut prendre la construction écologique ?
La rencontre entre Paul Jarquin et le bois
Puis, en Mai 2009, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine ouvre une exposition, Habiter écologique : Quelles architectures pour une ville durable ? Banco ! C’est là que l’idée lui apparaît. La ville durable pour Paul Jarquin sera aussi celle du bois ! Parmi les solutions apportées pour la construction d’une ville 100% durable, voire 100% recyclable, le bois était mis en avant. « J’y ai découvert que la construction bois c’était entre 50 et 60% en moins d’émission de gaz-à-effets-de-serre ». Un exemple concret, innovant, qui le décide à se lancer dans l’aventure ! « Nous étions les pionniers en Ile-de-France dans ce type de construction. » Son instinct ne le trompe pas ! En 2013, l’Etat lance le plan national d’action bois dans la construction. Pour soutenir ce plan, AdivBois est créé. Paul Jarquin en devient administrateur.
Un attachement local fort : l’ingrédient principal pour créer des écosystèmes urbains
Paul Jarquin a grandi à Montreuil. Son premier immeuble, livré en 2012, est basé à Montreuil. Ses bureaux sont basés à Montreuil. Il est aussi Ambassadeur pour In Seine-Saint-Denis, la marque territoriale développée par la Seine-Saint-Denis. Quand on le questionne sur son attachement local, cela sonne comme une évidence pour lui : « Les promoteur·rice·s qui ont un impact sur leur territoire, c’est très important ! Investir et construire dans son quartier, c’est très important ! Effectuer des investissements qui ont un sens et un impact dans le tissu local, c’est très important ! ».
Plus qu’un·e promoteur·rice, un créateur d’écosystèmes !
Quant à la ville de demain ? C’est pour Paul Jarquin une ville résiliente et pédagogique, qui permettra aux habitantes et aux habitants de se rendre compte de leur champ d’action. Le facteur bois n’est qu’un versant de l’engrenage mis en place par REI. « Nous sommes des opérateurs et des opératrices à taille humaine ! » Les piliers du développement durable c’est aussi un changement de financements et un changement de gouvernance. Au delà de ses réflexions qui l’amènent à penser durable, Paul Jarquin questionne aussi les usages des habitantes et des habitants. Parmi les espaces qu’il faudrait selon lui renouveler, il y a les rez-de-chaussée. Il les voit comme des espaces à offrir et à adapter aux usages que le tissu local demande. « La question lorsqu’on monte des opérations, c’est de savoir comment faire émerger des initiatives locales et citoyennes » et comment créer des réseaux d’habitantes et d’habitants.
Ses projets ne sont pas pensés à l’échelle du bâtiment, mais ils sont intégrés à un maillage multi scalaire. Il s’agit de s’intégrer dans la ville, dans le quartier mais aussi sur la parcelle. Dans le récent programme immobilier de 32 logements, le Bourg, à Montreuil, REI s’est dans cette optique associé aux paysagistes de COLOCO afin de créer un espace horticole de 600m² à destination des habitantes et des habitants.
Le circuit-court à 100%, pour réussir à vraiment penser global
« En ce qui concerne les circuits courts, nous avons déjà beaucoup avancé. Notre défi c’est de continuer dans ce sens et de renforcer notre impact pour fédérer les acteur·rice·s autour d’une démarche commune en changeant le rapport du portage des projets ». Paul Jarquin nous confie qu’au commencement la promotion du bois par REI rencontrait des obstacles : « Quand je parlais bois au début, j’obtenais presque systématiquement de mon interlocuteur, la référence aux trois petits cochons ! Aujourd’hui, ces apriori sont en train de s’effacer ». Il est vrai qu’à l’échelle de l’histoire humaine, un seul siècle a privilégié le béton. En réalité, 95% des bâtiments au monde sont construits en structure bois. Aujourd’hui, 100% du bois utilisé dans les constructions REI est normé PEFC et d’origine française. La traçabilité est donc une question centrale dans la démarche opérée : le mot d’ordre est circuit-court. Une pratique durable à développer ! « 30% du territoire français est recouvert de forêts. Aujourd’hui, on ne récolte que deux tiers de l’accroissement en forêt. On a besoin de couper le bois des forêts pour une gestion durable des forêts et un renouvellement des écosystèmes ! » nous explique le promoteur. Paul Jarquin, c’est donc une action dans la ville qui s’intègre à un système et qui du fait même de son action, fait de sa pérennité, un principe. L’incarnation du penser global, agir local. Une vision de la ville qu’on espère voir continuer à se développer.