Logement social : un défi européen ?
Presque toutes les capitales européennes vivent une crise du logement social. Avec des besoins en investissements colossaux, difficile de trouver la parade. Quels scénarios pour demain ?
« Il y a une crise du logement à l’échelle mondiale. C’est la crise sociale la plus importante du moment, aussi urgente que la crise climatique », a alerté Leilani Farha, rapporteuse de l’ONU pour le logement social, dès l’ouverture du Festival international du logement social accueilli à Lyon en juin 2019. Et le plus vieux continent du monde n’est pas en reste. Hausse des loyers dans les grandes villes, logiques de privatisation, conséquences de la crise économique de 2008 et du chômage notamment dans les pays du sud, migrations, Airbnb… l’Europe peine à offrir un abri accessible à l’ensemble de ses habitants et habitantes. Radar fait le point sur la situation du logement social en Europe et sur les pistes à suivre pour respecter la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui reconnaît le droit à une aide sociale et à une aide au logement aux 820 millions de citoyen·nes européen·nes.
Logement social européen : un modèle qui pâtit de la crise financière des Etats…
Il n’existe pas de modèle européen du logement social et le parc dit « social » n’a pas de définition unique à travers l’Europe. Pourtant, quelques signaux faibles démontrent des tendances communes. Les États sommés de s’attaquer au déficit public coupent dans les budgets alloués au logement social et la construction en pâtit. La part du PIB total de l’Union européenne qui a servi à subventionner la construction de logement neufs est passée de 0,7 % en 2007 à 0,4 % en 2016. Aussi, autre indice du manque de toits disponibles sur le sol européen, la part des dépenses pour le logement des ménages, elle, n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, un·e européen·ne sur dix dépense plus de 40 % de ses ressources pour se loger.
…et des grandes métropoles qui étouffent
Dans le centre de Berlin, un appartement de 54 m² affichant un loyer de 550 € a récemment reçu 1 800 visites. Au-delà du buzz, cette situation reflète la tension du marché immobilier dans les grandes villes européennes. Les municipalités se retrouvent souvent démunies. Dans la capitale allemande, où le prix du logement à la location a quasiment doublé en dix ans, des manifestations sont organisées régulièrement pour protester contre la hausse des prix des loyers dans la ville. A Londres, on assiste à la même folie immobilière. Malgré des millions promis par le gouvernement, les prix atteignent des sommets. Résultat, à l’instar de Paris, les villes plafonnent le prix des loyers ou rachètent du foncier mais cela ne suffit pas toujours.
Barcelone vient de terminer la construction de son premier immeuble de logements sociaux dans des conteneurs.
A Amsterdam, la municipalité s’est lancée dans des îles artificielles avec du logement social pour favoriser la mixité sociale. Barcelone vient de terminer la construction de son premier immeuble de logements sociaux dans des conteneurs. Il s’agit d’un programme pilote pour la ville espagnole qui souhaite analyser les avantages et les inconvénients de ces logements dits « temporaires ». A Birmingham, un quartier entier de maisons en kit a vu le jour. Leur particularité ? Ces habitations peuvent être construites en 24 heures. De la rapidité, les villes britanniques vont en avoir besoin puisqu’il faudrait construire trois millions de nouveaux logements sociaux dans les 20 prochaines années pour loger tout le monde dans le Royaume.
Selon un article d’Arte, seule Vienne, qui vient de fêter les cent ans de son important parc de logements sociaux, fait figure d’exception en Europe en matière de logement social. La capitale autrichienne n’aurait jamais versé dans la privatisation à grande échelle, ce qui lui permet aujourd’hui de faire la promotion de son modèle auprès des autres pays européens.
Les citoyens et citoyennes se mobilisent pour le droit au logement
A Berlin 250 associations de locataires ont lancé une pétition pour exproprier les grandes sociétés immobilières de la capitale qu’elles accusent de spéculer sur le foncier.
De leur côté, les Berlinois·es déclarent la guerre aux sociétés immobilières. 250 associations de locataires ont lancé une pétition pour exproprier les grandes sociétés immobilières de la capitale qu’elles accusent de spéculer sur le foncier berlinois. Nul doute, que ces associations seront soutenues par le réseau européen « Housing For All », qui milite pour plus de logements sociaux sur le vieux continent.
2019 restera l’année de la gronde contre la crise du logement. Parc figé, gentrification augmentation des prix des loyers, mobilité au point mort, des logements sociaux inaccessibles… selon l’appel de Lyon, il faut remettre « le logement social et abordable au cœur des priorités de l’agenda urbain de l’Union Européenne ». Un souhait aussi réclamé par les citoyen·nes européen·nes.