ENGAGÉ·ES

Liliane Daligand de Viffil SOS Femmes : l’engagement contre les violences conjugales

 

Liliane Daligand - Viffil SOSO Femmes

Liliane Daligand est la présidente de l’association Viffil SOS Femmes. Violences intrafamiliales, impacts du confinement, mouvement #MeToo… pour « Engagé·es », elle revient sur les activités de son organisation et sur le rôle de 3F dans la lutte contre les violences dans la sphère privée.

 

Comment est née Viffil SOS Femmes ?

Liliane Daligand : L’association est née en 1979 sous l’impulsion du maire de Villeurbanne (69) qui était Charles Hernu. Il avait d’abord nommé une éducatrice pour écouter les femmes victimes de violences conjugales, puis, c’est finalement une association qui est née et baptisée “Viff” à l’origine pour “Villeurbanne Informations Femmes Familles”. Je suis présidente de cette association depuis 1986. Notre objectif est de lutter contre les violences faites aux femmes. Notre spécialité est de prendre en charge et héberger les femmes avec leurs enfants victimes de violences. Il existait des foyers pour femmes seules mais il n’y en avait pas pour femmes avec enfants. En 2018 VIFF a fusionné avec FIL et est devenue VIFFIL Sos Femmes (Violences intra-familiales, femmes informations Liberté).

 

Quelles actions y menez-vous ?

Nous travaillons sur l’hébergement. Nous avons aujourd’hui plus d’une trentaine d’hébergements, achetés ou loués, représentant une capacité d’accueil de 100 personnes. Nous avons lancé en 2006 un service mutualisé de suite pour accompagner les familles venant d’accéder à un logement autonome. L’objectif est de sécuriser leur parcours. Nous avons également mis en place en 2018 un protocole de mise en sécurité d’urgence car beaucoup de femmes ont peur pour leur vie et ne savent pas toujours où aller. Nous les mettons à l’abri dans un foyer qui nous réserve des places d’urgence en permanence.

Grâce à nos dispositifs d’accueil, nous sommes un relais du 3919. Nous avons créé l’accompagnement « Vers la fin des violences ». L’association dispose d’une autre branche, qui est le service d’aide aux victimes, fédérée à France Victimes.

 

Les violences concernent aussi les enfants et parfois les hommes. Quelles réponses y apporter ?

Nous savons depuis longtemps que les enfants témoins de violences en sont aussi souvent les victimes, c’est pour cela que l’on parle d’enfants co-victimes. Nous avons donc créé des ateliers spécifiques pour les prendre en charge avec des psychologues pour enfants, atelier contes, atelier mère/bébé… En ce qui concerne les hommes, il est vrai qu’ils peuvent être aussi victimes de violences intrafamiliales, principalement psychologiques. Notre service d’aide aux victimes doit les accueillir mais ne peut pas les héberger. En revanche, nous pouvons les orienter et les aider dans leurs démarches.

 

Le regard de la société a-t-il évolué sur les violences intrafamiliales ?

Oui, la société a ouvert les yeux et surtout les oreilles ! Autrefois les victimes de violences conjugales restaient muettes. C’est pour ça que les campagnes de prévention martelaient qu’il fallait briser le silence. Il est évident que le mouvement #MeToo a beaucoup fait pour libérer la parole des femmes victimes. C’est une vraie révolution ! Il faut reconnaître que de plus en plus de femmes acceptent de confier leur détresse soit à des proches, à des associations d’aide aux victimes, à la police et à la gendarmerie, ou même à des commerçantes de proximité. Il y a globalement une nette amélioration. Par exemple dans les commissariats et les gendarmeries on trouve maintenant des affiches d’associations d’aide aux victimes. Malheureusement, les femmes ne portent pas encore suffisamment plainte, selon nos informations seulement 10 à 15 % des victimes le font.

Le mouvement #MeToo a beaucoup fait pour libérer la parole des femmes victimes. Une vraie révolution !

 

Quel est l’impact du confinement sur les violences intrafamiliales ?

Le confinement est un facteur aggravant, nous recevons plus d’appels. Plus on est dans la promiscuité, l’isolement, le renfermement, plus cela fait monter l’irritabilité, la nervosité, l’agressivité et le passage à l’acte. Aujourd’hui, nous devons continuer à avancer sur la sensibilisation, il n’y en a jamais trop ! Nous devons aider ces femmes à prendre la parole, à sortir de la honte, de la peur et de la culpabilité. Quand on voit le nombre de féminicides, on comprend que ces femmes ont peur pour leur vie. Elles nous disent : « il va me tuer, il me l’a dit, il va le faire. »

Nous devons aider ces femmes à prendre la parole, à sortir de la honte, de la peur et de la culpabilité.

 

Que pensez-vous de la justice restaurative, cet outil complémentaire au traitement pénal ?

Il y a dix ans, les médiations familiales étaient déconseillées en cas de violences conjugales. Aujourd’hui, je me demande si la justice restaurative sera bénéfique pour ces couples. Il se peut qu’un homme violent dise oui à tout puis finalement, une fois rentré à la maison, redevienne violent. Cela pose question et nécessite une période d’expérimentation plus longue et un bilan. Chaque personne peut s’améliorer et évoluer. J’ai rencontré en consultation à l’hôpital près de 700 auteurs de violences conjugales qui m’étaient adressés par les procureurs pour une évaluation, une orientation ou une psychothérapie. Quand ils reconnaissent leur violence et les souffrances de leur victime, cela donne des résultats. Ils découvrent le bénéfice de la parole. On doit aujourd’hui s’orienter sur la prévention et la prise en charge des auteurs.

Du côté des victimes, c’est un parcours fait de répétitions de violences multiples qui sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves. Non, elles ne l’ont pas bien cherché ! Non, elles n’aiment pas ça ! Et pourtant, c’est ce qu’on entend encore. On ne se sort pas d’une telle situation d’un coup de baguette magique ! Par chance, elles sont de plus en plus nombreuses à ouvrir les yeux et à se dire que la vie et l’amour, ce ne sont pas ces violences.

Chaque personne peut s’améliorer et évoluer. J’ai rencontré près de 700 auteurs de violences conjugales, quand ils reconnaissent leur violence et les souffrances de leurs victimes, cela donne des résultats

Non, elles ne l’ont pas bien cherché ! Non, elles n’aiment pas ça ! Et pourtant, c’est ce qu’on entend encore. On ne se sort pas d’une telle situation d’un coup de baguette magique !

 

3F vous aide à reloger des victimes de violences dans un logement autonome. En quoi la question du logement est clé pour ces personnes ?

Absolument, c’est très important ! Pour que le logement soit bénéfique, il ne faut pas de ghettoïsation, c’est à dire ne pas regrouper les femmes victimes de violences intrafamiliales. Nous pensons qu’il faut qu’elles soient mêlées à la population, qu’elles aient une place parmi d’autres. Les regrouper, c’est très dangereux, cela peut les conforter dans leur identité victimaire. Le second enjeu est de leur éviter des lieux dangereux. 3F apporte un soin particulier aux dossiers et nous aide à installer ces femmes dans des lieux éloignés de toute autre forme de violences. Et ça, c’est très important.

 

3F soutient cette lutte notamment en formant et en sensibilisant ses équipes. Cette mobilisation des bailleurs est importante ?

C’est même primordial ! Il est fondamental de former les salarié·es des bailleurs. Lorsque les équipes ne sont pas formées, nous laissons place aux incompréhensions et parfois aux préjugés. Pour lutter contre une vision négative de ces femmes, il faut former et changer les regards. Il faut de la bienveillance et de la bientraitance pour ces victimes. Il n’y a pas de fatalité et fort heureusement, il y a des femmes qui s’en sortent merveilleusement bien !

 

 

Top articles