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Les HLM sont-ils devenus des œuvres d’art ?

 

HLM oeuvres d'art

Au sortir de la seconde guerre mondiale, lorsqu’une foule d’habitant·es s’installent dans les impressionnantes structures en périphérie urbaine qui n’en finissent pas de sortir de terre, nul ne se doute encore qu’ils dorment dans une œuvre d’art et habitent un musée. Car oui, depuis une dizaine d’années, les représentations des HLM ont radicalement changé. Zoom sur des structures en voie de patrimonialisation.

 

Si l’image des HLM est souvent associée aux vagues d’immigration ouvrière, elle est aussi aujourd’hui intimement liée à une imagerie branchée véhiculée sur Instagram et dans les œuvres cinématographiques qui s’y déroulent. Majoritairement situés dans des zones urbaines densément peuplées, comme l’Île-de-France ou encore Marseille, les HLM les plus connus font parfois le tour du monde. Œuvres d’art pour les un·es, espaces muséaux pour d’autres. Quelle place les HLM occupent-ils dans l’espace culturel d’aujourd’hui ?

 

Le cinéma, la hype et Instagram

« Brutalistes, néo-classiques, modernistes, ces villes « nouvelles » nous entraînent vers une autre appréhension des paysages, nous propulsant dans une fiction, un film d’anticipation aux décors improbables ». Voici comment le photographe Alexis Paoli dépeint ces superstructures dans ses chroniques photographiques. Des Pyramides d’Évry aux Tours Nuages de Nanterre, en passant par les Arcades du lac de Montigny-le-Bretonneux jusqu’aux Arènes Picasso et Espaces Abraxas de Noisy-le-Grand, les grands ensembles des années 1970-80 attisent et attirent la création artistique. A Noisy-le-Grand, les Espaces Abraxas, excavés de l’esprit de l’architecte Ricardo Bofill en 1978, ont laissé sans voix plus d’un·e cinéphile. Sublimé dans Brazil de Terry Gilliam en 1985 ou plus récemment dans Hunger Games en 2015, le « Théâtre » (l’un des trois bâtiments) fait parallèlement la joie des Instagrameur.ses, avec une poignée de milliers de mentions, rafraichissant l’image du quartier.

La plupart de ces grandes structures, entrées au Patrimoine des monuments du XXe siècle régalent bien sûr artistes et publicitaires. Les Tours Nuages d’Émile Aillaud par exemple, qui ont vu le jour en 1971 et sont vouées à disparaître prochainement, ont été immortalisées à l’écran, bande-son fournie. Présentes dès 2016 dans la culture urbaine grâce à une vidéo de la marque de vêtements A-Z Sportswear du footballeur Zlatan Ibrahimovic, elles sont également le théâtre du tournoi de football Phantom de Nike deux ans plus tard. La même année, elles apparaissent dans le clip « Billet » de la chanteuse R’n’B Marwa Loud, dans le fulgurant « Brutalisme » de Flavien Berger ou encore dans le clip de rap « La Débrouille » de Brvmsoo en 2019.

 

Les expositions – exposés et exposants

Si la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille (1947 – 1952), classée au patrimoine mondial de l’Unesco, s’affiche aujourd’hui dans des dizaines de milliers de publications Instagram, elle occupe également le devant de la scène pour son centre d’exposition. Un lieu, devenu une œuvre, redevenu un lieu. En 2013, le célèbre designer de la cité phocéenne, Ora ïto, y fonde son centre d’art : le MaMo, pour Marseille Modulor, en référence à l’instrument de mesure-étalon à forme humaine de Le Corbusier, le fameux Modulor. Situé dans les parties communes englobant toit, gymnase et solarium, le MaMo expose des artistes contemporain·es. Dernièrement l’artiste de rue Space Invaders prenait possession des lieux. En 2013 toujours, à Paris, l’« HLM exposant » prend également forme avec « la Tour 13 ». L’immeuble des années 1960 devient alors un musée éphémère abritant la plus grande exposition de street art jamais réalisée à Paris. Au total une centaine d’artistes du monde entier s’y retrouveront avant sa démolition.

 

Œuvre, musée… parfois les deux ! Les HLM exposent et s’exposent dans la ville d’Aubervilliers. L’Association pour un musée du logement populaire du Grand Paris y présentera ainsi sa première exposition en octobre prochain : La vie HLM. Histoires d’habitant·es de logements populaires. Aubervilliers, 1950-2000. A suivre !


Quelques dates et informations :
  • Les espaces Abraxas (1978) à Noisy-le-Grand (Seine-St-Denis) et Les Arcades du lac (1981) à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) de l’architecte Ricardo Bofill.
  • Les Courtilières (1956) à Pantin (Seine-St-Denis) ; La Grande Borne (1967-1971) à Grigny (Essonne) et les Tours nuages (1973- 1981) à Nanterre (Hauts-de-Seine) de l’architecte Émile Aillaud.
  • Les Pyramides (1971) à Evry (Essonne) de l’architecte Michel Macary.
  • Les Arènes de Picasso (1981) à Noisy-le-Grand (Seine-St-Denis) de l’architecte Manuel Núñez Yanowsky.
  • Les Damiers (1976) à Courbevoie (Hauts-de-Seine) – Architectes Jacques Binoux et Michel Folliasson, avec Abro et Henri Kandjian.
  • La Cité Radieuse (1947-1952) à Marseille de Le Corbusier.
  • La tour 13, Paris 13e – Années 1960 par ICF Habitat.

 

 

 

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