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Le logement social, futur gagnant de la pandémie ?

 

L’immobilier tertiaire en berne, la pratique du télétravail qui s’installe… la crise du Covid va probablement impacter durablement nos façons d’habiter et de travailler. De quoi booster les transformations du bâti au profit du logement social ?

 

Nous sommes en 2040 et La Défense ne ressemble vraiment plus à ce que l’on a connu avec ses grandes tours habitées par des familles, son co-living intergénérationnel et ses espaces de travail partagé. La Grande Arche ?  Elle abrite désormais des potagers verticaux en permaculture et le centre commercial Les 4 Temps a été transformé en une école internationale de la biodiversité. Le Centre des nouvelles industries et technologies (CNIT) a été lui, transformé en parking à vélos et en un immense tiers-lieu où artisans 2.0 et associations développent des projets pour l’intérêt général. De son côté, le “Chief Homeless Officer*” répartit les demandes de logements modulaires qui viennent de toute la capitale. Il faut dire que depuis que les entreprises ont déserté Courbevoie, il reste de la place sur les 104 hectares que compte la Défense ! Ce scénario dystopique pourrait prêter à sourire mais les signaux faibles, eux, sont bel et bien là.

 

Les bureaux se cachent pour mourir…

« Une page se tourne pour le bureau », a récemment titré le quotidien Les Échos. Le marché des bureaux a connu le troisième trimestre le plus mauvais de ces 20 dernières années, explique le quotidien économique. Résultat, c’est l’heure des choix pour les grands groupes, notamment pour ceux installés dans la capitale. Rester ? Réduire les surfaces ? Ou s’installer ailleurs, en province, où le mètre carré est moins cher ? Selon  Cérine Chaïeb, avocate spécialiste du droit immobilier et du droit des affaires et droit commercial, de grands groupes s’interrogent aujourd’hui sur la pertinence de conserver, ou non, des actifs immobiliers. C’est le cas notamment de la Société Générale, si elle envisageait de quitter l’Espace 21 qu’elle occupe à La Défense, cela constituerait, pour elle, une économie de loyer de près de 600 millions d’euros par an. Le groupe Suez se penche également sur une redéfinition de sa stratégie d’actifs immobiliers à Paris. Deloitte, poids lourd du conseil et de l’audit, a calculé que le développement, à La Défense, du « flex-office » (l’absence de bureaux attitrés sur le lieu de travail) et du télétravail remettra sur le marché entre 10 et 15% des surfaces louées par an.

 

C’est l’heure des choix pour les grands groupes, notamment pour ceux installés dans
la capitale

 

Transformer l’immobilier vacant en logements sociaux

Dans ce contexte de déclin annoncé du bureau « à la papa » et face aux 8,5 millions d’emplois concernés par le télétravail, le quotidien économique s’interroge : « Que fait-on des bureaux vides ? ». Des logements sociaux par exemple ? La demande n’a cessé d’augmenter ses dernières années et les transformations de bureaux en logements sont toujours à la peine. La pandémie agira-t-elle comme un accélérateur de cette pratique ? Action Logement, qui avait lancé fin 2019 un appel à manifestation d’intérêt pour transformer des bureaux vacants en logements, va-t-il crouler sous les demandes de propriétaires désireux de transformer leurs bureaux à la recherche de nouveaux revenus ?

 

Les bâtiments vides pourraient être utilisés pour remédier aux pénuries de logements

 

Repvblik, une jeune startup américaine en a même fait son fonds de commerce. Face à la crise du Covid, les citoyen·nes sont en télétravail et désertent les hôtels et les commerces ? Transformons-les en logements sociaux, le tout sans peser sur les budgets fédéraux, se targue Richard Rubin, à la tête de l’entreprise qui ne cesse de séduire les investisseurs. L’homologue américain d’Emmanuelle Wargon, Ben Carson, a pour sa part plaidé pour la réutilisation adaptative des propriétés commerciales vacantes. Selon lui, les bâtiments vides pourraient être utilisés pour remédier aux pénuries de logements. « Cela va libérer beaucoup d’espace commercial, qui peut être converti en logements abordables pour soulager une partie de la pression« , a déclaré Carson à Fox Business. Toujours de l’autre côté de l’Atlantique, Jennifer Castenson, une spécialiste de l’innovation, parlait sur Forbes de l’immobilier vacant comme du nouveau « ticket d’or » de la crise du logement.

Le logement social sortira-t-il ainsi gagnant de cette pandémie ? Rappelons que ces transformations sont coûteuses et que tous les bureaux et commerces ne sont pas transformables en logements. En Île-de-France, par exemple, seule la moitié des 450 000 mètres carrés de bureaux peut être transformée en logements. Ce qui représente malgré tout une solution à explorer et une opportunité pour créer des nouvelles formes d’habitat, entre coloving et coworking, tout en ayant le souci de l’intérêt général et de l’éco-responsabilité. Les bailleurs sociaux, dont 3F, sont déjà à la tâche…

 

*Responsable des demandes des sans-abris

 

 

 

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