L’avenir est-il au coliving ?
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Plus seulement réservé aux millennials, le coliving séduit désormais senior·es, personnes actives et familles. Mais que dit ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans nos villes et à l’échelle mondiale ? Et surtout, que peut-il nous apprendre sur le futur de nos habitats ?
« Cherche immeuble sur Bordeaux pour transformation en résidence coliving », « comment lancer un projet de coliving ? », depuis quelques mois les annonces de ce type pleuvent sur la Toile. Selon Le Monde, le coliving est le dernier produit fétiche des investisseurs et des promoteurs. Le quotidien parle même d’une industrie émergente. Et les dernières actualités du secteur confirment la dynamique. Cocorico ! La startup française Colonies vient de lever la somme de 180 millions d’euros quand la Station F, l’incubateur géant de Xavier Niel, a lancé Flatmates, le plus grand espace de cohabitation d’Europe avec 100 appartements. Pourquoi le concept séduit tant et s’impose-t-il aujourd’hui comme une alternative sérieuse à l’habitat individuel classique ? Passées les spectaculaires levées de fonds, le coliving est-il là pour rester ?
Le coliving entre colocation et hôtellerie
On se souvient tous et toutes de la série Friends qui a rendu si désirable la colocation. Face à des loyers trop chers dans les centres urbains, les étudiant·es et autres jeunes actifs et actives ont toujours été nombreux à se lancer dans cette économique option. Les communautés alternatives des années 60 faisaient également de la proximité un mode de vie. Ces dernières années, l’habitat participatif et l’habitat intergénérationnel ont le vent en poupe. Beaucoup plus récent, le coliving est un concept né, lui, en 2000 aux États-Unis. Comment se distingue-t-il justement de la colocation et de l’habitat partagé, qui existent depuis presque toujours et sous différents modèles ? La grande différence réside dans l’offre de services. “De la gestion à l’animation de la communauté, le coliving se veut être un espace de vie qui offre des expériences Dans ce modèle, les locataires vont être accompagné·es dans leur vie quotidienne.
De la gestion à l’animation de la communauté, le coliving se veut être un espace de vie qui offre des expériences.
Le coliving, une alternative qui répond aux nouvelles attentes
Cette nouvelle manière d’habiter correspond à de nombreux changements économiques et sociétaux. Le besoin de flexibilité face à un marché de l’emploi qui connait de larges mutations – comme le télétravail ou encore le freelancing – modifie les attentes des Français·es en matière de logement. Avec ses promesses de partage et de convivialité, le coliving répond aussi à la triste tendance de la solitude ultra-moderne qui mine nos jeunes et nos sociétés. 22 % des millennials (personnes nées entre 1981et 1993) n’ont « pas d’amis » selon un sondage de YouGov. Près d’un quart de la société française est concernée selon le Credoc. Le Royaume-Uni a même créé un « ministère de la solitude » pour lutter contre le fléau de l’isolement social.
Autre mutation majeure, l’usage. L’économie de la fonctionnalité ferait de l’ombre à la propriété. Selon une étude de l’Obsoco, les jeunes voient dans la propriété une forme de rigidité qu’il conviendrait de fuir. Rappelons que si nombre de jeunes souhaitent encore accéder à la propriété, c’est surtout pour des raisons pragmatiques. Le patrimoine immobilier, c’est d’abord une sécurité pour cette nouvelle génération de propriétaires, révèle une enquête de l’Ifop. A contrario, si le coliving pousse un peu partout à Berlin, Paris, Bruxelles et San Francisco, ce n’est pas un hasard. Les grandes métropoles mondiales souffrent, en effet, d’un manque de foncier et peinent à loger tout le monde.
Le coliving, une jeune industrie qui souhaite se démocratiser
Des revenus optimisés grâce à des services comme la restauration ou encore du coworking ? Il n’en fallait pas plus pour que les opérations se multiplient sur notre territoire avec des taux de rentabilité alléchants. Résultat, il y en a presque pour tous les goûts et tous les âges ! Karaokés, projections de films, ateliers céramique ou cuisine, soirées à thème… les promoteurs et autres startups de coliving redoublent d’inventivité pour attirer des citadin·es en mal d’échanges et de convivialité. Après un processus souvent appelé « onboarding » (montée à bord), les futurs « coliveurs » et « coliveuses » souscrivent à un pack tout inclus ou choisissent des formules sur-mesure. Des services payants comme un accès à la salle de sport, au pressing ou à une conciergerie peuvent être ajoutés à leur contrat. Ce sont bien les codes de l’hôtellerie qui ont été empruntés de façon à épouser ce besoin croissant de services à la demande.
Parmi les offres, il n’est pas rare de tomber sur des annonces de coliving de transition. Ici, ce sont les personnes actives en reconversion qui sont ciblées. L’enjeu ? Leur proposer des services de coaching ou des espaces de coworking pour les accompagner dans leur changement de voie professionnelle. Les familles monoparentales et les senior·es ne sont pas en reste puisque de plus en plus d’espaces de coliving sont désormais pensés spécifiquement pour leurs besoins.
Beaucoup de modalités de cette nouvelle manière d’habiter restent à imaginer. Irons-nous demain vers des formules de plus en plus personnalisées et segmentées (entreprises, coliving médicalisé, sportif, centrées sur des valeurs, etc.) ? Pourrons-nous trouver demain des espaces de coliving hybrides avec la présence de locataires et de propriétaires ? Et les bailleurs sociaux, qui ont une expertise historique des foyers de travailleurs, investiront-ils ce secteur de sorte qu’il soit profitable à toutes les catégories de population, même les plus modestes ? Des conditions qui, si elles sont remplies, pourraient contribuer à faire du coliving un modèle démocratique et durable pour les villes. Selon les Nations Unies, en 2030, nous serons 5 milliards d’individus à y vivre.