Comment la blockchain peut révolutionner notre rapport au logement ?
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À l’heure où la blockchain dépasse le simple cadre d’expertise des “geeks”, cette technologie fait son entrée dans le monde du logement et des exemples concrets commencent à émerger. Les signaux faibles d’une révolution à venir ? Zoom sur « l’habitat blockchain ».
Premièrement, levons le voile sur la définition précise de la blockchain. Selon le ministère de l’Economie, la blockchain est « une technologie de stockage et de transmission d’informations, prenant la forme d’une base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs et qui ne dépend d’aucun organe central ». Cette technologie décentralisée aurait également « l’avantage d’être rapide et sécurisée, et dont le champ d’application est bien plus large que celui des cryptomonnaies et crypto-actifs ». En effet, si aujourd’hui le système de blockchain a été popularisé par les cryptomonnaies, au premier rang desquelles le célèbre Bitcoin, ce système peut s’appliquer à de multiples domaines. Notamment administratif, social ou énergétique.
Moins de papier, plus de « chain »
En juillet 2019, à Choisy-Le-Roi dans le Val-de-Marne, In’li, filiale du groupe Action Logement, a signé le premier acte immobilier par la blockchain. Cet acte certifié par la startup française ContractChain fait entrer pour la première fois ce système dans le groupe sous le prisme administratif. En plus de faciliter la signature, ces fichiers « sont accessibles par toutes les parties, sans limitation de durée et sans avoir besoin de faire appel à un notaire », indique l’entreprise.
Cette même année, la Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH) a récompensé les lauréat·es du concours « Digital et innovation ». Dans la catégorie « Le numérique au service de la transformation des usages », c’est Haute-Savoie Habitat qui fut récompensé. La raison ? La mise en place d’un service d’échange entre locataires via la blockchain. « Il s’agit de rendre encore plus attractif le dispositif Privi’Loc, club des locataires privilégiés de l’OPH, en facilitant le transfert de points directement entre habitants, l’acceptation des points en paiement à des partenaires, et en permettant ultérieurement à des partenaires d’abonder des points », indique le compte-rendu de la remise des prix. L’appellation « locataires privilégiés » renvoie au « Club des locataires » initié en 2016 afin de développer des échanges entre voisin·es et exprimer toutes formes de solidarités, elle soulève donc la question extrêmement importante de la mixité sociale et de l’inclusion. Afin de l’élever, la blockchain peut-elle jouer un rôle nouveau dans cette intégration ?
Plus de mixité, moins de lésé·es
Dans leur étude, Logement social et ségrégation en France, les économistes Kevin Beaubrun-Diant et Tristan-Pierre Maury, spécialistes de l’évaluation des politiques publiques concluent que le logement social serait « un bon outil de promotion sociale pour les classes moyennes, mais pas pour les plus pauvres coincés dans la nasse des logements les plus anciens, dans les communes les moins mixtes ». L’article 55 de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU), promeut la mixité urbaine via l’implantation de logements sociaux. Aujourd’hui, même si « les HLM sont de plus en plus mélangés aux autres logements et leurs occupants moins stigmatisés », il peut exister une disparité à l’intérieur de ces logements et à leur périphérie.
Le loyer évoluerait graduellement en fonction de la situation sur déclaration fiscale de l’occupant·e
La réponse à ce problème systémique pourrait se trouver dans les maillons de la blockchain. Selon Thierry Curty, designer sociétal et fondateur du mouvement citoyen Courant Constructif, « chaque logement pourrait être signataire d’une charte de logement social avec deux loyers pour chaque logement, un maximal à sa vraie valeur et le loyer social, qui vise à apporter un logement correct malgré la situation sociale ». Le tout géré sans intermédiaire, de manière transparente et automatique. Pour le penseur cette solution par blockchain soulèverait plusieurs points positifs : « le loyer évoluerait graduellement en fonction de la situation sur déclaration fiscale de l’occupant, favoriserait l’accès à une plus grande diversité de logements, puisque n’importe quel logement est susceptible de devenir un logement social si le propriétaire a signé la charte ». Et donc favoriser la mixité et l’inclusion, que le propriétaire soit un bailleur social ou privé.
La blockchain et l’énergie
Alors que la question énergétique se pose encore plus aujourd’hui, qu’elle soit portée par la problématique sociétale ou environnementale, des solutions tendent à se mettre en place via l’utilisation de la blockchain. Pour la startup Sunchain qui gère des réseaux de distribution locale d’énergie, « la technologie blockchain apporte des réponses à l’autonomie et la soutenabilité énergétique ». Et ces réseaux sont la pierre angulaire de la politique énergétique via blockchain.
Nous nous préparons à permettre aux habitant·es d’échanger de l’énergie
Pour Olivier Sellès, responsable innovation et smart city de BNP Paribas Real Estate, les réseaux connectés au système de stockage et de partage pourront permettre de « suivre la production d’énergie des panneaux photovoltaïques installés afin de donner à chaque habitant le bilan de ses consommations ». Et d’ajouter : « Ils pourront savoir à quel moment de la journée ils ont consommé de l’énergie locale, directement produite par les panneaux photovoltaïques ». Mais derrière les panneaux photovoltaïques se trouvent… le soleil et une jolie innovation : « Nous nous préparons à permettre aux habitants d’échanger de l’énergie », dévoile Olivier Sellès. Une innovation d’ores et déjà mise en place outre-Atlantique où la blockchain a fait son apparition à Brooklyn via la coopérative TransActive Grid qui utilise ce même procédé d’échange d’énergie entre habitant·es. La blockchain est donc un levier envisageable pour révolutionner les usages de l’habitat en y intégrant les problématiques sociétales et énergétiques. En somme, répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, en se libérant de certaines chaînes.