Place au béton bas carbone avec Hoffmann Green Cement !
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Julien Blanchard est le cofondateur et président du directoire d’Hoffmann Green Cement Technologies. Pour 3F Échos Responsables, il revient sur les atouts du ciment décarboné et ses différentes applications. Une success story qui n’a pas échappé au bailleur social 3F qui s’engage toujours plus dans la décarbonisation de ses bâtiments et qui utilisera ce ciment dans le cadre de la construction de 85 logements sociaux dans le Val-d’Oise. Interview.
Quelle est la particularité de votre ciment ?
Julien Blanchard : Nous sommes un nouvel acteur sur le marché du ciment. Notre entreprise produit des ciments avec une empreinte carbone beaucoup plus faible que les ciments traditionnels. La principale différence, c’est que notre ciment ne contient pas de clinker. Le clinker, c’est ce qui représente presque la totalité du ciment traditionnel. C’est du calcaire cuit à très haute température, à 1450° pendant 18 heures, pour obtenir des boules de clinker qui seront ensuite broyées pour faire de la poudre grise, qu’on appelle le ciment. Ce processus de fabrication n’a pas changé depuis deux siècles ! Et quand on cuit le calcaire à cette température, on émet énormément d’émissions de CO2 : quasiment une tonne de CO2 pour une tonne de ciment. Le ciment Hoffmann, lui, n’a pas besoin de calcaire, il ne contient pas un gramme de clinker.
Le processus de fabrication du ciment traditionnel n’a pas changé depuis deux siècles !
Comment est-il produit ?
Nous utilisons tout un tas de matériaux issus de déchets industriels, notamment des argiles, pour faire des nouveaux ciments sans cuisson et avec un processus de production à froid. C’est pour cela que nous avons un bilan carbone nettement réduit par rapport au ciment traditionnel.
Quel surcoût engendre l’emploi de votre ciment ?
A l’échelle d’un bâtiment, le surcoût est relativement faible. Si vous construisez un immeuble “A” en béton traditionnel et un immeuble “B” en béton Hoffmann, tout corps d’états confondus, l’incidence du prix du béton représente une hausse de 3% à l’échelle de l’immeuble. Le prix du ciment Hoffmann coûte presque deux fois plus cher que le ciment traditionnel. Mais ramené à l’échelle d’un immeuble, finalement l’incidence n’est pas si importante que cela. S’il est presque deux fois plus cher à l’achat, on divise par 5 son empreinte carbone.
Quels seront les prochains développements de votre activité ?
Nous travaillons sur d’autres technologies qui seraient, elles aussi, issues de déchets d’industries et d’autres déchets coproduits qui sont aujourd’hui peu ou pas valorisés. Nous allons continuer à signer des partenariats avec des préfabricants qui développent par exemple des escaliers, des pavés ou encore des bordures sur le marché de la construction. Nous venons de signer des contrats dans le domaine du béton prêt à l’emploi avec Cemex à Paris et en Aquitaine, de façon à distribuer le ciment Hoffmann à travers ses centrales qui préparent le béton pour ensuite le livrer sur les chantiers avec les camions à toupie. C’est tout ce maillage que nous sommes en train de mettre en place chez Hoffmann. Cela va prendre encore quelques mois mais ça avance bien puisque nous lançons la construction de notre deuxième usine en Vendée !
La preuve que le béton bas carbone peut créer des emplois en France ?
Absolument ! Nous sommes pleinement dans de l’industrie “made in France”, nous ne pouvons pas produire notre ciment à l’autre bout du monde évidemment. Nous sommes vraiment dans le cadre de la réindustrialisation avec des usines 4.0 et des emplois qualifiés. Les usines sont assez automatisées, ce qui nécessite une maintenance et un mode de fonctionnement particulier. On s’apprête à investir sur le territoire national environ 45 millions d’euros dans les 24 prochains mois suite à notre introduction en Bourse que l’on a mené en octobre 2019.
L’industrie du ciment a attendu le dernier moment pour agir
Quelles sont les autres pistes de l’industrie cimentière et de la construction pour réduire son empreinte carbone ?
Il y a une piste sérieuse et intéressante sur l’utilisation des granulats recyclés issus de la déconstruction. Ensuite, il y a l’enjeu d’utiliser moins de clinker dans les formulations de ciment pour abaisser les émissions de CO2. Enfin, il faut essayer de capter le CO2 à travers des processus de cuisson. Voilà ce qu’essaient de faire les cimentiers. Il faut rappeler que depuis 200 ans, le ciment est le matériau le plus consommé au monde après l’eau à l’échelle mondiale. On utilise 150 tonnes de ciments par seconde… L’industrie a attendu le dernier moment pour agir, proposer des alternatives et abaisser ses émissions de CO2. D’ailleurs, ils s’en sentent un peu obligés à cause du cadre réglementaire en France et en Europe. En effet, depuis le 1er janvier 2020, il y a eu l’arrêt des quotas gratuits de CO2 pour les cimentiers. Donc ces industriels vont devoir acheter des quotas de CO2 pour produire du ciment.